Une box à l’image du Mas de l’Écriture, domaine produisant du vin bio d’exception dans le Larzac, conduit par deux passionnés de viticulture et de littérature : Léa et Pascal Fulla. Et deux livres primés (2024 & 2025) par le jury « Habiter le monde » dont Pascal était partie prenante.
« Du même bois », de Marion Fayolle (Éditions Gallimard – 128 pages)
« Les enfants, les bébés, ils les appellent les petitous. Et c’est vrai qu’ils sont des petits tout. Qu’ils sont un peu de leur mère, un peu de leur père, un peu des grands-parents, un peu de ceux qui sont morts, il y a si longtemps. Tout ce qu’ils leur ont transmis, caché, inventé. Tout. C’est pas toujours facile d’être un petit tout, d’avoir en soi autant d’histoires, autant de gens, de réussir à les faire taire pour inventer encore une petite chose à soi. »
Dans une ferme, l’histoire se reproduit de génération en génération : on s’occupe des bêtes, on vit avec, celles qui sont dans l’étable et celles qui ruminent dans les têtes. Peintes sur le vif, à petites touches, les vies se dupliquent en dégradé face aux bêtes qui ont tout un paysage à pâturer. Marion Fayolle crée un monde saisissant dont la poésie brutale révèle ce qui s’imprime par les failles, par les blessures familiales, comme dans les creux des gravures en taille-douce.
« À l’examen il y a les mots : péquenaud, plouc, beauf, cul-terreux. Campagnard. Je remarque : même dans les insultes, je n’existe pas. Mais en les féminisant, je glisse une première pierre à l’édifice du retour. Péquenaude. Un vent chaud dans les troènes, une haleine de stabule. Il faut savoir de quelle rugosité on émerge, pour en sentir le goût en bouche ».
Après le succès de « La Vie têtue », Juliette Rousseau continue de creuser les liens entre corps et territoire. Depuis la campagne agro-industrielle où elle vit, elle interroge la ruralité, les questions de classe et de genre, l’industrialisation, la relation au vivant, l’enfance, les traditions, la transmission… Dans une langue puissante et bouleversante, elle explore ce que signifie habiter une terre abîmée.
Un joli éclat de grenat magnifie sa robe. Le nez expressif présente de belles notes de fruits noirs, de fraises des bois et de griottes. La bouche agréablement épicée se pare d’une finale harmonieuse sur le poivre de Madagascar et le cacao.
Complicités gastronomiques :
Bœuf de l’Aubrac aux échalotes confites, omelette aux cèpes.
L’avis d’Aurélie
Il y a cette ferme, avec la maison des vieux d’un côté, la maison des jeunes de l’autre, et au milieu l’étable : l’image est magnifiquement décrite, comme un parcours de vie où l’on passe d’une bicoque à l’autre en vieillissant, quand la transmission des savoirs se fait lien au milieu.
« Du même bois » se lit d’une traite (c’est le cas de le dire) et nous absorbe véritablement dans ce terroir authentique avec un réalisme dur et attachant. Quelques images d’« Une hirondelle a fait le printemps » à sentir en filagramme.
L’avis d’Antoine
Écoutez Pascal et Léa vous parler de vin : vous entendrez des mots. Écoutez Pascal et Léa vous parler de livres : vous sentirez des arômes. Au Mas, tout est lié : les vignerons, les écrivains, les pages, les cépages. Et une constante : prendre le temps. Un terroir d’exception demande non seulement un travail d’artisan, mais aussi un respect scrupuleux de la nature dans sa lenteur. Et cela se ressent dans le verre, à condition que vous aussi, vous preniez le temps, si pas de la garde du vin, au moins de la dégustation… Avec un livre à la main, évidemment !